Évocation n° 05 - Le fil et l'aiguille
Objets sur socle blanc, texte encadré - 2016
Objets sur socle blanc, texte encadré - 2016
Texte de la proposition :
Le fil et l'aiguille
Une aiguille est plantée sur la surface d'un socle d'exposition. Un fil noir passé dans son chas évolue vers le bas du socle en effectuant trois tours depuis son départ au « sommet » jusqu'à son « arrivée » au sol. Le socle posé sur l'extrémité basse du fil, maintient, par son poids, une tension légère de ce dernier.
Il y a de toute évidence une confrontation entre ce fil et le socle sur lequel il « évolue ». Les oppositions sont multiples : solidité / fragilité, poids / légèreté, malléabilité / immuabilité, ligne / surface, blanc / noir... pourquoi pas masculin / féminin. Le « trajet » du fil autour du socle promène notre regard des surfaces aux arêtes de ce dernier. Avec un minimum d'attention, le spectateur décèle sur les bords de ces surfaces, et à proximité de ces arêtes, des marques et des reliefs dans le bois, irrégularités qui indiquent les emplacements des vis utilisées lors de l'assemblage des cinq panneaux de bois. L'assemblage de deux pièces de tissu, est une action propre de la pratique de la couture, de l'utilisation du fil et de l'aiguille. L'assemblage de deux pièces en bois se réfère au domaine de la menuiserie, du « bricolage », et convoque l'emploi de vis, de clous, de marteau... Pour éviter un lieu commun qui serait regrettable, disons que le bricolage évoque une couture par la force, et la couture, un bricolage par la délicatesse. Je pensais par la finesse, mais des « bricoleurs » pourraient revendiquer la « finesse », la « précision » de leur production.
L'aiguille de la proposition, l'emploi de ce fil de couleur noir, le socle, propre au champ de l'art et de l'exposition, m'évoquent les travaux de l'artiste Annette Messager. Depuis ses premières propositions de tailles et aux moyens modestes (phrases cousues au fil sur des oreillers) à ses productions actuelles beaucoup plus conséquentes (installations propres à « contenir » le spectateur), le fil, bien qu'évoluant vers le câble ou autres tendeurs, toujours de couleur noire, reste omniprésent. De nombreux articles ont rapproché ces assemblages, ces tissages, cette utilisation du fil à l'image de la toile de l'araignée. Ces écrits évoquent généralement les dimensions oniriques ou cauchemardesques, obsédantes et obsédées de cet univers : le rêve, l'angoisse, l'effroi, la peur participent au champ lexical de cette production, et à cette « mythologie personnelle ». Plusieurs de ces écrits évoquent la métaphore, la comparaison de l'artiste avec le personnage de la sorcière, de la fée maléfique...
Dans la proposition, c'est peut-être le fait que le fil s' « enroule » autour du socle qui me fait penser à la production de cette artiste. On peut y « lire » l'évocation d'un envoûtement, d'un ensorcellement, d'une capture, des premiers fils posés d'une toile qui se trame dans le but de saisir, de capturer, d’étouffer sa proie : le socle. Dans ce cas, et concernant cette « victime », le socle me renverrait vers un artiste conceptuel, minimal. Je pense à Mosset et ses travaux sur les cimaises, à Rutault et ses empilements de toiles en colonnes, ou encore aux travaux de l'artiste Muriel Rodolosse. Cette proposition devient, sous ces considérations, l'image d'un combat, d'une confrontation, d'un rapport de force entre deux pratiques artistiques : la première basée sur une mythologie personnelle de l'artiste, nourrie de ses ressentis, de ses sentiments, de ses sensibilités ; et la seconde, à l'inverse, complètement minimaliste, travail et recherche sur les surfaces, le volume, le rapport à l'espace...
D'autres mythologies, pour le coup moins « personnelles », me viennent à l'esprit face à la proposition. L'aiguille m'évoque « la belle au bois dormant », qui d'une piqûre s'endort dans l'attente de son prince. Le socle prend alors la figure de stèle, de monument funéraire, mais temporel. Je pense aussi au mythe d'Ulysse : les allers-retours du fil autour du socle évoquent la couture de Pénélope, qui se fait et se défait dans l'attente du retour, et dans la crainte d'un mariage forcé, je crois me souvenir. Dans ce cas le socle représente Ulysse, carré, debout, solide et immuable face aux dangers et aux sirènes (J'aime beaucoup l'épisode d' « Ulysse et les sirènes »). Dans les deux cas, on peut encore rapprocher l'enroulement du fil à un envoûtement du héros (le socle pouvant aussi figurer le Prince).
L'ascension du fil de la base du socle à son « sommet » me fait penser à l'ascension en montagne. Dans la marche en montagne, le chemin le plus court, la ligne droite, n'est jamais indiqué, et les marcheurs évoluent continuellement suivant un tracé, un parcours en « zigzag » sur le flanc de la montagne. Certains se risquent à « couper », raccourcir ces lacets, mais le gros de la troupe se suit, se croise aussi à des niveaux différents. Cet allongement du parcours, nécessaire pour atteindre le sommet, sous le poids de sacs lourds et remplis de tentes, bonbonnes de gaz et pâtes déshydratées m'a toujours laissé pensif. Le socle figure dans notre cas, une montagne assez « fine », ce parcours évoluant en spirale sur l'ensemble de ses flancs. L'aiguille du sommet, enneigé puisque blanc, symbolise le drapeau que l'on plante à l'arrivée pour... pour planter le drapeau. A sa base, le fil passant sous le socle nous prévient que l'ascension débute par une marche dans des grottes, peut-être, en tous cas sous la montagne.
Le fil et l'aiguille
Une aiguille est plantée sur la surface d'un socle d'exposition. Un fil noir passé dans son chas évolue vers le bas du socle en effectuant trois tours depuis son départ au « sommet » jusqu'à son « arrivée » au sol. Le socle posé sur l'extrémité basse du fil, maintient, par son poids, une tension légère de ce dernier.
Il y a de toute évidence une confrontation entre ce fil et le socle sur lequel il « évolue ». Les oppositions sont multiples : solidité / fragilité, poids / légèreté, malléabilité / immuabilité, ligne / surface, blanc / noir... pourquoi pas masculin / féminin. Le « trajet » du fil autour du socle promène notre regard des surfaces aux arêtes de ce dernier. Avec un minimum d'attention, le spectateur décèle sur les bords de ces surfaces, et à proximité de ces arêtes, des marques et des reliefs dans le bois, irrégularités qui indiquent les emplacements des vis utilisées lors de l'assemblage des cinq panneaux de bois. L'assemblage de deux pièces de tissu, est une action propre de la pratique de la couture, de l'utilisation du fil et de l'aiguille. L'assemblage de deux pièces en bois se réfère au domaine de la menuiserie, du « bricolage », et convoque l'emploi de vis, de clous, de marteau... Pour éviter un lieu commun qui serait regrettable, disons que le bricolage évoque une couture par la force, et la couture, un bricolage par la délicatesse. Je pensais par la finesse, mais des « bricoleurs » pourraient revendiquer la « finesse », la « précision » de leur production.
L'aiguille de la proposition, l'emploi de ce fil de couleur noir, le socle, propre au champ de l'art et de l'exposition, m'évoquent les travaux de l'artiste Annette Messager. Depuis ses premières propositions de tailles et aux moyens modestes (phrases cousues au fil sur des oreillers) à ses productions actuelles beaucoup plus conséquentes (installations propres à « contenir » le spectateur), le fil, bien qu'évoluant vers le câble ou autres tendeurs, toujours de couleur noire, reste omniprésent. De nombreux articles ont rapproché ces assemblages, ces tissages, cette utilisation du fil à l'image de la toile de l'araignée. Ces écrits évoquent généralement les dimensions oniriques ou cauchemardesques, obsédantes et obsédées de cet univers : le rêve, l'angoisse, l'effroi, la peur participent au champ lexical de cette production, et à cette « mythologie personnelle ». Plusieurs de ces écrits évoquent la métaphore, la comparaison de l'artiste avec le personnage de la sorcière, de la fée maléfique...
Dans la proposition, c'est peut-être le fait que le fil s' « enroule » autour du socle qui me fait penser à la production de cette artiste. On peut y « lire » l'évocation d'un envoûtement, d'un ensorcellement, d'une capture, des premiers fils posés d'une toile qui se trame dans le but de saisir, de capturer, d’étouffer sa proie : le socle. Dans ce cas, et concernant cette « victime », le socle me renverrait vers un artiste conceptuel, minimal. Je pense à Mosset et ses travaux sur les cimaises, à Rutault et ses empilements de toiles en colonnes, ou encore aux travaux de l'artiste Muriel Rodolosse. Cette proposition devient, sous ces considérations, l'image d'un combat, d'une confrontation, d'un rapport de force entre deux pratiques artistiques : la première basée sur une mythologie personnelle de l'artiste, nourrie de ses ressentis, de ses sentiments, de ses sensibilités ; et la seconde, à l'inverse, complètement minimaliste, travail et recherche sur les surfaces, le volume, le rapport à l'espace...
D'autres mythologies, pour le coup moins « personnelles », me viennent à l'esprit face à la proposition. L'aiguille m'évoque « la belle au bois dormant », qui d'une piqûre s'endort dans l'attente de son prince. Le socle prend alors la figure de stèle, de monument funéraire, mais temporel. Je pense aussi au mythe d'Ulysse : les allers-retours du fil autour du socle évoquent la couture de Pénélope, qui se fait et se défait dans l'attente du retour, et dans la crainte d'un mariage forcé, je crois me souvenir. Dans ce cas le socle représente Ulysse, carré, debout, solide et immuable face aux dangers et aux sirènes (J'aime beaucoup l'épisode d' « Ulysse et les sirènes »). Dans les deux cas, on peut encore rapprocher l'enroulement du fil à un envoûtement du héros (le socle pouvant aussi figurer le Prince).
L'ascension du fil de la base du socle à son « sommet » me fait penser à l'ascension en montagne. Dans la marche en montagne, le chemin le plus court, la ligne droite, n'est jamais indiqué, et les marcheurs évoluent continuellement suivant un tracé, un parcours en « zigzag » sur le flanc de la montagne. Certains se risquent à « couper », raccourcir ces lacets, mais le gros de la troupe se suit, se croise aussi à des niveaux différents. Cet allongement du parcours, nécessaire pour atteindre le sommet, sous le poids de sacs lourds et remplis de tentes, bonbonnes de gaz et pâtes déshydratées m'a toujours laissé pensif. Le socle figure dans notre cas, une montagne assez « fine », ce parcours évoluant en spirale sur l'ensemble de ses flancs. L'aiguille du sommet, enneigé puisque blanc, symbolise le drapeau que l'on plante à l'arrivée pour... pour planter le drapeau. A sa base, le fil passant sous le socle nous prévient que l'ascension débute par une marche dans des grottes, peut-être, en tous cas sous la montagne.