Évocation n° 04 - La poignée
Objet sur socle blanc, texte encadré - 2016
Objet sur socle blanc, texte encadré - 2016
Texte de la proposition :
La poignée
Une poignée de tiroir, ou de placard est présentée sur la surface blanche d'un socle d'exposition. Il n'est pas possible, sans y toucher, de savoir si cette poignée est bien réellement fixée au socle, ou si elle est simplement posée. La proposition ne pouvant être abordée des quatre côtés à la fois par le spectateur, et n'étant pas entourée de miroirs qui permettraient une considération de l'ensemble en général, et des quatre faces du socle en particulier, on pourrait imaginer, dans un premier temps, qu'une des faces du socle puisse être manquante (la face non visible), et de là, considérer le socle comme un énorme tiroir posé verticalement sur le sol (cette convocation des miroirs pour considérer les quatre faces du socle m'évoque le « mètre- cube d'infini » de Pistoletto). En considérant la taille de ce tiroir, on imagine vite la taille considérable du meuble censé le contenir. Ce n'est pas un meuble du quotidien, rangement de cuisine ou autre. On aurait plutôt affaire à un rangement spécifique, au service d'une structure précise. Le domaine d'exercice de cette structure pourrait-être celui de l'archivage, du stockage. Vu la capacité de contenance de ce « tiroir », il s'agirait d'y entreposer des objets de tailles conséquentes, ou des objets en grand nombre. Cependant, la taille de la poignée et sa nature ne me semblent pas adéquates à celles de ce « tiroir ». Il y a un décalage entre cette poignée et ce socle, un " quelque-chose " d'irrationnel dans cette proposition.
Le spectateur, par ses déplacements autour de la proposition, se rassure vite sur la nature classique du socle : il y a bien quatre côtés, l'hypothèse du tiroir ne tient plus, celle de la boîte s'impose. Bien que la nature « intouchable » de l’œuvre ne permette pas au visiteur de basculer le socle pour s'en assurer, ce socle est peut être fermé par un « fond » sur son côté bas, et par ce « couvercle » sur le haut. Dans cette hypothèse, cette poignée pourrait peut-être ouvrir le couvercle de la boîte. Une boîte peu commune, hors norme. Il y un parfum du Pays de merveilles de Wilde dans cette considération de la proposition : les jeux sur les échelles de grandeur, Alice naviguant dans son flacon de verre, dépassant les forêts par sa taille, grandissant et rapetissant tout au long de son périple. Ce qui me plaît dans l' idée de la boîte, c'est que si l'objet contenu n'est pas d'une certaine hauteur, la longueur d'un bras ne suffirait pas pour l'attraper. Il faudrait, face à une telle proposition, renverser le socle et son contenu au sol, ou trouver un moyen technique d'extraire ce contenu par le haut (pinces, aimants, outils ou matières collantes, agrippantes), ou encore croire aux champignons et aux carottes d'Alice et permettre à son bras de s’allonger suffisamment pour atteindre le fond de la boîte.
Ce qui me plaît encore dans cette idée de boîte peu pratique vu sa profondeur, c'est ce couvercle que l'on devine fixe, dans la mesure où une couche de peinture blanche nous indique que ce dernier n'est pas dissocié du socle. Un couvercle fixé, scellé à son pot, mais qu'une poignée nous invite à ouvrir... Du couvercle scellé à son pot, on peut se demander pour quelle raison nous faudrait-il démanteler, démonter l’ensemble pour ouvrir la boîte. Que pourrait-elle contenir ? Pourquoi sa nature implique t-elle ce « Ne pas ouvrir » intrinsèque ? Dans ces circonstances de tentation mêlée d'interdit se cache souvent un malheur contenu, sous-jacent. Je pense bien sûr à la boîte de Pandore, à l'Arche d'alliance, mais aussi aux Pyramides longtemps tenues à distance des visiteurs par leur accès condamné, et qui frappent de malédictions les archéologues les plus intrépides et les moins respectueux de ces lieux de sépultures.
La confrontation entre cette poignée et son socle est assez grande : la poignée de placard est à usage quotidien, et pourtant, mise ainsi en « scène » sur son socle d'exposition, elle acquiert un statut nouveau. Là où sa nature nous invite à la toucher, à la prendre en main, son socle nous met en garde d'un « Ne pas toucher ». Cette mise en exposition, dans cet espace la « sacralise ». Nous considérons en quelque sorte un Ready-made de Duchamp, la nouveauté et la provocation en moins. J'imagine son lieu d'origine en tous points opposé à ce lieu d'exposition. C'est un lieu très personnel, en aucun cas publique : j'imagine une cuisine en bois vernis, plutôt ancienne, pas nécessairement de mauvais goût, mais qui fut estimée « nouvelle » il y a quelques temps, ensemble de meubles d'inspiration « campagne, chaleur et bienveillance du bois »... Je visualise la « ménagère » de moins ou plus de cinquante ans, pourquoi pas préparant son poulet-pommes de terre pour accueillir ses enfants un dimanche ensoleillé. Je vois sa main grasse d'huile d'olive saisir ses tiroirs, ses placards, pour accéder aux herbes de Provence, au poivre, en fredonnant, l'esprit entier tourné vers cette belle journée, et sans considération aucune pour cette poignée de placard.
La poignée
Une poignée de tiroir, ou de placard est présentée sur la surface blanche d'un socle d'exposition. Il n'est pas possible, sans y toucher, de savoir si cette poignée est bien réellement fixée au socle, ou si elle est simplement posée. La proposition ne pouvant être abordée des quatre côtés à la fois par le spectateur, et n'étant pas entourée de miroirs qui permettraient une considération de l'ensemble en général, et des quatre faces du socle en particulier, on pourrait imaginer, dans un premier temps, qu'une des faces du socle puisse être manquante (la face non visible), et de là, considérer le socle comme un énorme tiroir posé verticalement sur le sol (cette convocation des miroirs pour considérer les quatre faces du socle m'évoque le « mètre- cube d'infini » de Pistoletto). En considérant la taille de ce tiroir, on imagine vite la taille considérable du meuble censé le contenir. Ce n'est pas un meuble du quotidien, rangement de cuisine ou autre. On aurait plutôt affaire à un rangement spécifique, au service d'une structure précise. Le domaine d'exercice de cette structure pourrait-être celui de l'archivage, du stockage. Vu la capacité de contenance de ce « tiroir », il s'agirait d'y entreposer des objets de tailles conséquentes, ou des objets en grand nombre. Cependant, la taille de la poignée et sa nature ne me semblent pas adéquates à celles de ce « tiroir ». Il y a un décalage entre cette poignée et ce socle, un " quelque-chose " d'irrationnel dans cette proposition.
Le spectateur, par ses déplacements autour de la proposition, se rassure vite sur la nature classique du socle : il y a bien quatre côtés, l'hypothèse du tiroir ne tient plus, celle de la boîte s'impose. Bien que la nature « intouchable » de l’œuvre ne permette pas au visiteur de basculer le socle pour s'en assurer, ce socle est peut être fermé par un « fond » sur son côté bas, et par ce « couvercle » sur le haut. Dans cette hypothèse, cette poignée pourrait peut-être ouvrir le couvercle de la boîte. Une boîte peu commune, hors norme. Il y un parfum du Pays de merveilles de Wilde dans cette considération de la proposition : les jeux sur les échelles de grandeur, Alice naviguant dans son flacon de verre, dépassant les forêts par sa taille, grandissant et rapetissant tout au long de son périple. Ce qui me plaît dans l' idée de la boîte, c'est que si l'objet contenu n'est pas d'une certaine hauteur, la longueur d'un bras ne suffirait pas pour l'attraper. Il faudrait, face à une telle proposition, renverser le socle et son contenu au sol, ou trouver un moyen technique d'extraire ce contenu par le haut (pinces, aimants, outils ou matières collantes, agrippantes), ou encore croire aux champignons et aux carottes d'Alice et permettre à son bras de s’allonger suffisamment pour atteindre le fond de la boîte.
Ce qui me plaît encore dans cette idée de boîte peu pratique vu sa profondeur, c'est ce couvercle que l'on devine fixe, dans la mesure où une couche de peinture blanche nous indique que ce dernier n'est pas dissocié du socle. Un couvercle fixé, scellé à son pot, mais qu'une poignée nous invite à ouvrir... Du couvercle scellé à son pot, on peut se demander pour quelle raison nous faudrait-il démanteler, démonter l’ensemble pour ouvrir la boîte. Que pourrait-elle contenir ? Pourquoi sa nature implique t-elle ce « Ne pas ouvrir » intrinsèque ? Dans ces circonstances de tentation mêlée d'interdit se cache souvent un malheur contenu, sous-jacent. Je pense bien sûr à la boîte de Pandore, à l'Arche d'alliance, mais aussi aux Pyramides longtemps tenues à distance des visiteurs par leur accès condamné, et qui frappent de malédictions les archéologues les plus intrépides et les moins respectueux de ces lieux de sépultures.
La confrontation entre cette poignée et son socle est assez grande : la poignée de placard est à usage quotidien, et pourtant, mise ainsi en « scène » sur son socle d'exposition, elle acquiert un statut nouveau. Là où sa nature nous invite à la toucher, à la prendre en main, son socle nous met en garde d'un « Ne pas toucher ». Cette mise en exposition, dans cet espace la « sacralise ». Nous considérons en quelque sorte un Ready-made de Duchamp, la nouveauté et la provocation en moins. J'imagine son lieu d'origine en tous points opposé à ce lieu d'exposition. C'est un lieu très personnel, en aucun cas publique : j'imagine une cuisine en bois vernis, plutôt ancienne, pas nécessairement de mauvais goût, mais qui fut estimée « nouvelle » il y a quelques temps, ensemble de meubles d'inspiration « campagne, chaleur et bienveillance du bois »... Je visualise la « ménagère » de moins ou plus de cinquante ans, pourquoi pas préparant son poulet-pommes de terre pour accueillir ses enfants un dimanche ensoleillé. Je vois sa main grasse d'huile d'olive saisir ses tiroirs, ses placards, pour accéder aux herbes de Provence, au poivre, en fredonnant, l'esprit entier tourné vers cette belle journée, et sans considération aucune pour cette poignée de placard.