Évocation n° 07 - La cale
Objet sous socle blanc, texte encadré - 2016
Objet sous socle blanc, texte encadré - 2016
Texte de la proposition :
La cale
La proposition présente un socle incliné. Une cale en bois posée au sol sous son côté gauche (si on prend en considération le spectateur arrivé face au socle depuis l'entrée de l'espace d'exposition) la fait pencher sur le côté droit. Cette position en biais rend le socle bancal, et l'ensemble évoque un certain jeu d'équilibre.
La proposition m'impose une certaine distance. Je ne me figure pas la stabilité du socle qui découle de cette mise en place. On s'attend à la chute, peut-être l'enfant qui parvient quelques instants à échapper à l'attention de ses parents, plongés dans la contemplation d'une autre proposition, dans la considération d'une œuvre plus ou moins proche de ce socle. On imagine alors sa liberté de déambuler dans l'espace, de ne pas respecter le rythme classique de la visite, la liberté de toucher, enfin... Peut-être même, l'enfant pas intrépide pour un sou, et pas volontaire de s'affranchir des recommandations parentales non plus, et qui ne sentant plus la présence familiale, s'appuie au socle ou le contourne de trop près pour se frayer un passage parmi les autres visiteurs, afin de retrouver père ou mère, ou autre accompagnateur... La chute, le « patatras », reste quoi qu'il en soit en suspens. C'est une pièce, une proposition « en suspens », son devenir est « compromis ». Cet équilibre m'évoque le personnage d’Humpty Dumpty. Je dois à Monsieur Pierre Sterckx ma découverte de ce personnage, cet œuf, cette promesse de vie en équilibre sur l'arête d'un muret, en constance tension avec la chute, condamné malgré lui.
La forme du socle, sa hauteur, ses surfaces et ses angles, m'évoquent une tour, un immeuble, qui, dans la position qui est la sienne s'écroule sur son côté. Bien sûr je visualise rapidement New York : une tour penchée, une tour qui s'effondre... 2011... Peut-être l'affaissement d'un immeuble lors d'une destruction à la dynamite. Dans ce cas, la manœuvre est manquée, l'immeuble aurait dû s'écrouler de manière verticale, le but de l'intervention étant d'épargner les structures alentour lors de la démolition. J'ai grandi enfant dans les environs de la ville de Meaux, et plusieurs fois, mon père, passionné de prouesses et autres performances techniques et/ou mécaniques, m'avait emmené voir des destructions d'immeubles par affaissement : à l'époque, on dynamitait le quartier de Beauval, on "faisait tomber les barres". Les photos prises de l'exploit, dû à la quantité de poussière provoquée, ne « rendaient » pas terrible.
Il est intéressant de supposer que selon l'espace, la nature de l'exposition, et la proximité des autres propositions, les œuvres potentiellement menacées par cette proposition varient d'un accrochage, d'une mise en espace à l'autre. J'imagine bien ce socle à proximité de pièces en verre, en céramique, propres à enrichir cette « tension », ce danger constant. Peut-être encore, en se renversant, ce socle peut-il percuter un second socle. Cette hypothèse m'évoque un jeu de dominos : l'aspect blanc, lisse... L'image de dominos énormes dans un milieu artistique contemporain me ramène les travaux de Vincent Ganivet à l'esprit... à la place du parpaing, le socle d'exposition. Il est intéressant de noter que, à l'inverse des premières propositions de l'artiste, qui jouaient sur cet effet de chute, ses travaux plus récents « élèvent » ses parpaings au dessus du spectateur, dans des constructions de voûtes et autres arches, obtenues par jeux de compressions et de tensions.
Considérons la cale. Généralement, je l'associe instinctivement à une porte, une porte blanche. C'est une cale qui permet de garder la porte ouverte, de créer un courant d'air... Plus matériellement, sa présence sous le socle provoque une inclinaison de la surface de ce dernier. S'il était destiné à recueillir une proposition plastique sur sa surface supérieure, généralement surface d'exposition, ce ne pourrait être un objet sphérique, qui roule... ou alors par l'emploi de matériel collant, agrippant, ou encore par l’utilisation d’un système de maintien propre à déjouer, à contrer, cette inclinaison. Le blanc de la surface, et cette inclinaison, cette pente, m'évoquent une piste de ski, ou du moins une portion. Plus matériellement, ce socle ainsi placé pourrait être le résultat de l'intervention d'une personne maladroite, quelqu'un qui n'a pas du tout le compas dans l’œil, et pas non plus de niveau à bulle à sa disposition. Mais nous avons, dans ce cas, affaire à quelqu'un qui cherche tout de même à bien faire, puisqu'il prend soin de caler, d'ajuster l'objet. Peut-être l'intérieur du socle contient-il quelque-chose qui justifie, qui nécessite cette disposition en biais, et qui justifierait alors l'emploi de cette cale. Ce pourrait être quelque-chose de liquide... en tous cas quelque-chose de contenu, à l'abri des regards des visiteurs : quelque-chose qui ne se montre pas. Dans ce cas, la personne responsable de cette « situation » n'est peut-être plus du tout maladroite, et en sait bien plus que nous, spectateurs, sur la nature de la proposition.
La cale
La proposition présente un socle incliné. Une cale en bois posée au sol sous son côté gauche (si on prend en considération le spectateur arrivé face au socle depuis l'entrée de l'espace d'exposition) la fait pencher sur le côté droit. Cette position en biais rend le socle bancal, et l'ensemble évoque un certain jeu d'équilibre.
La proposition m'impose une certaine distance. Je ne me figure pas la stabilité du socle qui découle de cette mise en place. On s'attend à la chute, peut-être l'enfant qui parvient quelques instants à échapper à l'attention de ses parents, plongés dans la contemplation d'une autre proposition, dans la considération d'une œuvre plus ou moins proche de ce socle. On imagine alors sa liberté de déambuler dans l'espace, de ne pas respecter le rythme classique de la visite, la liberté de toucher, enfin... Peut-être même, l'enfant pas intrépide pour un sou, et pas volontaire de s'affranchir des recommandations parentales non plus, et qui ne sentant plus la présence familiale, s'appuie au socle ou le contourne de trop près pour se frayer un passage parmi les autres visiteurs, afin de retrouver père ou mère, ou autre accompagnateur... La chute, le « patatras », reste quoi qu'il en soit en suspens. C'est une pièce, une proposition « en suspens », son devenir est « compromis ». Cet équilibre m'évoque le personnage d’Humpty Dumpty. Je dois à Monsieur Pierre Sterckx ma découverte de ce personnage, cet œuf, cette promesse de vie en équilibre sur l'arête d'un muret, en constance tension avec la chute, condamné malgré lui.
La forme du socle, sa hauteur, ses surfaces et ses angles, m'évoquent une tour, un immeuble, qui, dans la position qui est la sienne s'écroule sur son côté. Bien sûr je visualise rapidement New York : une tour penchée, une tour qui s'effondre... 2011... Peut-être l'affaissement d'un immeuble lors d'une destruction à la dynamite. Dans ce cas, la manœuvre est manquée, l'immeuble aurait dû s'écrouler de manière verticale, le but de l'intervention étant d'épargner les structures alentour lors de la démolition. J'ai grandi enfant dans les environs de la ville de Meaux, et plusieurs fois, mon père, passionné de prouesses et autres performances techniques et/ou mécaniques, m'avait emmené voir des destructions d'immeubles par affaissement : à l'époque, on dynamitait le quartier de Beauval, on "faisait tomber les barres". Les photos prises de l'exploit, dû à la quantité de poussière provoquée, ne « rendaient » pas terrible.
Il est intéressant de supposer que selon l'espace, la nature de l'exposition, et la proximité des autres propositions, les œuvres potentiellement menacées par cette proposition varient d'un accrochage, d'une mise en espace à l'autre. J'imagine bien ce socle à proximité de pièces en verre, en céramique, propres à enrichir cette « tension », ce danger constant. Peut-être encore, en se renversant, ce socle peut-il percuter un second socle. Cette hypothèse m'évoque un jeu de dominos : l'aspect blanc, lisse... L'image de dominos énormes dans un milieu artistique contemporain me ramène les travaux de Vincent Ganivet à l'esprit... à la place du parpaing, le socle d'exposition. Il est intéressant de noter que, à l'inverse des premières propositions de l'artiste, qui jouaient sur cet effet de chute, ses travaux plus récents « élèvent » ses parpaings au dessus du spectateur, dans des constructions de voûtes et autres arches, obtenues par jeux de compressions et de tensions.
Considérons la cale. Généralement, je l'associe instinctivement à une porte, une porte blanche. C'est une cale qui permet de garder la porte ouverte, de créer un courant d'air... Plus matériellement, sa présence sous le socle provoque une inclinaison de la surface de ce dernier. S'il était destiné à recueillir une proposition plastique sur sa surface supérieure, généralement surface d'exposition, ce ne pourrait être un objet sphérique, qui roule... ou alors par l'emploi de matériel collant, agrippant, ou encore par l’utilisation d’un système de maintien propre à déjouer, à contrer, cette inclinaison. Le blanc de la surface, et cette inclinaison, cette pente, m'évoquent une piste de ski, ou du moins une portion. Plus matériellement, ce socle ainsi placé pourrait être le résultat de l'intervention d'une personne maladroite, quelqu'un qui n'a pas du tout le compas dans l’œil, et pas non plus de niveau à bulle à sa disposition. Mais nous avons, dans ce cas, affaire à quelqu'un qui cherche tout de même à bien faire, puisqu'il prend soin de caler, d'ajuster l'objet. Peut-être l'intérieur du socle contient-il quelque-chose qui justifie, qui nécessite cette disposition en biais, et qui justifierait alors l'emploi de cette cale. Ce pourrait être quelque-chose de liquide... en tous cas quelque-chose de contenu, à l'abri des regards des visiteurs : quelque-chose qui ne se montre pas. Dans ce cas, la personne responsable de cette « situation » n'est peut-être plus du tout maladroite, et en sait bien plus que nous, spectateurs, sur la nature de la proposition.